Les associations de défense des droits de l'homme considèrent également que le texte a évolué dangereusement, au fil des lectures successives par les deux assemblées parlementaires. Les craintes portent notamment sur la révision des missions et des prérogatives de la Commission nationale de l’informatique et de libertés(CNIL). Cette dernière ne pourra plus s’opposer à la création de fichiers de sécurité (police, gendarmerie, renseignements généraux). En effet au contrôle à priori de la CNIL, le nouveau texte substitue un avis consultatif a posteriori qui sera simplement publié au Journal Officiel. Les détracteurs du texte dénoncent également un amendement déposé par Alex Türk, le président de la CNIL en personne. Il exonère les entreprises ayant nommé un «correspondant à la protection des données» des traditionnelles déclarations de leurs fichiers. Ainsi, dans le public comme dans le privé, la création de fichiers échappe désormais au contrôle de la CNIL. Seule contrepartie, la commission a été dotée de pouvoirs élargis d’investigation et de sanction.
Une des premières application du nouveau système pourrait être le fichage des internautes. La nouvelle loi accorde en effet la possibilité à des entreprises ou d'autres personnes morales de relever et de traiter des données relatives aux infractions dont elles s’estiment victimes. Autrement dit, les sociétés d’auteurs et les maisons de disques pourront constituer des fichier d’internautes adeptes du peer-to-peer. Les associations comme Delis (Droits et libertés face à l’informatisation de la société) et Iris (Imaginons un réseau Internet solidaire) voient dans la création de ce «véritable casier judiciaire privé» une régression de la protection des citoyens. Cet amendement qui répond «à la pression des maisons de disques» risque d’entraîner des dérives. « Pour repérer les internautes, les sociétés de droits d’auteurs se serviront des adresses IP. Or celles-ci peuvent être usurpées», s’inquiète Madame Marzouki, présidente de l'IRIS. d'autant qu'un internaute accusé à tort «n’a pas de moyen de prouver son innocence», ajoute-t-elle.
La loi informatique et libertés devrait faire l’objet d’un recours des parlementaires socialistes – dont les 45 derniers amendements ont été rejetés- devant le Conseil constitutionnel. Si la décision de ce dernier ne permet pas de revenir au niveau de protection dont les citoyens bénéficiaient auparavant, Delis, IRIS et la Ligue de Droits de l’Homme se réservent la possibilité d’une plainte auprès de la Commission européenne.
PROJET DE LOI : http://www.senat.fr/dossierleg/pjl01-203.html
© LExpansion (Le 17/07/2004)
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