Normalisation : Le 802.11g existe « officiellement »
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Par Marc Olanie (Reseaux-Telecoms) - L’IEEE vient –enfin- de finaliser la norme Ethernet sans fil rapide sur 2,4 GHz, plus connue sous le nom de 802.11g. Aucune surprise ni ajout de dernière minute, le « 11g » utilisera bien un procédé de modulation ofdm offrant un débit PHY de 54 Mb/s, et les équipements seront touts capables de supporter la gestion d’une « vitesse de repli » à 11mb/s PHY pour demeurer compatible avec les anciens équipements répondant aux recommandations 11b
L’arrivée du 11g est au sein des réseaux d’entreprise est un peu comme la langue d’Ésope, à la fois une bonne chose et une malédiction.
Une bonne chose puisque les systèmes de modulation utilisés intègrent un mécanisme de contrôle d’erreur plus performant, théoriquement moins sensible aux perturbations. Avec ofdm, l’on peut commencer à envisager sérieusement des liaisons nls (non line of sight, ou liaisons par réfraction) sans dégradation notable du signal ni utilisation systématique du vieux procédé reposant sur la diversité spatiale. Avec le « 54 Mb/s » s’ouvrent certaines applications, notamment de streaming vidéo, qui jusqu’à présent étaient quelque peu lésée par la faible bande passante du 11b.
Du coté des « ponts » de liaison point à point, ceux généralement utilisés pour relier des bâtiments entre eux, là encore, l’accroissement de bande passante est un avantage incalculable. On est encore loin des « trunk » hyperfréquence professionnels, mais l’outil commence à être sérieux.
Mais le 11g n’est pas, loin s’en faut, un miracle technologique. Avant toute chose, c’est une « norme de plus » qui ne va pas dans le sens d’une simplification des architectures. Il faudra s’attendre à ce que les usagers s’y perdent un peu, du moins durant les premiers temps. La mode de l’Ethernet sans fil a vu naître des « gourous de la dernière pluie » énonçant doctoralement des contre vérités « hénaurmes » - Wlan concurrent du 3G, le 11g abandonne l’espoir du 54 Mb/s, WPA résoudra tous les problèmes de sécurité… -. Hélas, il ne suffit pas d’utiliser un AP sur un coin de table pour s’improviser tout à la fois administrateur réseau, RSSI et ingénieur spécialisé dans la propagation des signaux SHF.
Le 11g toujours, ce n’est jamais qu’une « amélioration » du 11b. Autrement dit, l’on demeure avec un modèle de réseau « non commuté », ou la bande passante générale est divisée par le nombre d’usager. Le fait de passer de 11 à 54 Mb/s ne changera rien à l’affaire.
Le 11g, c’est aussi –c’est surtout- le fossoyeur des véritables réseaux Ethernet rapides que sont les 802.11a et Hiperlan. Le Weca –pardon, le WiFi Alliance aux dernières nouvelles- n’avait-il pas annoncé la mise en œuvre de tests d’interopérabilité et de fortes baisses de prix sur le front du 11a ? Ou était-ce une sorte de pré-annonce / contre-feu, un écran de fumée pour tuer dans l’œuf son concurrent Hiperlan ? (ce qui tendrait à prouver que les industriels européens sont bien influençables). Tout espoir n’est pas perdu, mais l’on risque fort de « sauter une étape » et de se retrouver au stade 802.16/Hiperaccess sans avoir vu passer les équipements 5GHz. L’histoire des réseaux fourmille de technologies avortées ou semi avortées genre Token 16, ATM « to the desk », 100 VG Anylan… Le 11g, c’est également le rappel de vérités premières : les lois de la physiques sont plus fortes que celles du marketing. Plus les accidents et brouillages altèrent le signal, plus ofdm met en œuvre un BER complexe et accroît les systèmes de redondance d’information et de correction d’erreurs… une chirurgie du signal qui ne joue pas en faveur d’un débit « plein pot ». En d’autres termes, plus c’est brouillé ou plus la liaison est « longue », plus le débit dégringole. La règle des « 54 PHY/24 réels » est valable seulement sur de très courtes distances. Pratique pour ne pas avoir à câbler trois terminaux dans un espace restreint… mais l’on nous promet de l’UWB (Ultra Wide Band) pour demain, une sorte de « super bluetooth » tueur de gigabit Ethernet qui éliminerait la liaison du « dernier mètre », celle précisément qui pose le plus de problèmes aux DSI, celle qui génère le plus important « overhead du protocole basket » du coté des équipes de maintenance.
Le 11g enfin, c’est un moteur surpuissant sur un châssis en bois d’allumettes. Le fait d’aller plus vite n’élimine pas les contraintes de la bande 2400 MHz. Il n’y aura pas plus de « canaux » utilisables, contrairement à ce que promet la bande 5 GHz. Et comme le maillage du 11g doit être considérablement plus dense que celui du 11b si l’on souhaite exploiter les vitesses les plus élevées, on provoquera nécessairement plus de conflits par brouillages sur canaux adjacents. Et ne nous faisons pas d’illusion : les antennes directives proposées par certains « professionnels » n’y feront rien. Très peu d’ingénieurs, dans le monde des réseaux, savent correctement poser un aérien, voir vérifier si ses caractéristiques correspondent bien à ce qui est vendu. Combien de fois avons-nous rencontré ces fameuses « antennes WiFi de nouvelle génération » plus proche d’un atténuateur rayonnant que d’un réseau accordé…. Ainsi, nous confiait un de ces « spécialistes » : « de toute manière, on pose l’AP, on regarde si çà marche avec l’antenne, et c’est tout, pas besoin de s’y connaître, de toute façon, le client ne fera jamais la différence ».
Mais ce n’est pas tout, hélas. Car après l’inflation prévisible de superlatifs marketing destinés à sur vendre le 11g, il y a de fortes certitudes pour que les lobbys des constructeurs ajoutent une « seconde couche ». En accroissant notamment la confusion avec un véritable organisme de normalisation, l’IEEE, et un quarteron de constructeurs « créatifs » initialement connus sous le nom de Weca et inventeurs du mot WiFi (l’équivalent du « connectique » inventé et déposé par Amphénol il y a quelques années). On ne peut nier l’influence bénéfique de ce groupement, qui a poussé les fabricants de cartes « 802.11 tout court » à s’entendre sur un mode commun, le 11b. Mais ne perdons jamais de vue que c’est là un GIE, un « gang d’intérêt économique ». Le WiFi Alliance (il faudra s’y faire !) « certifie » l’intéropérabilité des équipements et pousse ses membres à tout faire pour que ce soit possible. Mais n’agit surtout pas pour que ces mêmes équipements puissent être administrés par une console commune –ou alors sur un mode minimaliste snmp, une sorte de smic de l’administration. Le WiFi Alliance (tout compte fait, c’est pas si difficile) déploie des efforts considérables pour ajouter des couches de sécurisation génériques propres aux plateformes matérielles –donc « cassables » à terme- du genre Wep ou WPA. Mais ce même groupement n’a constitué aucun collège définissant les lignes d’une architecture sécurisée de bout en bout, reposant sur des systèmes d’authentification et de cryptage des liaisons « génériques »… pourtant, les logiciels existent… c’est seulement la « glue » qui les synchronise qui n’est pas encore parfaite. Tantôt l’on parle « d’efforts d’unification pour le plus grand bénéfice du client », tantôt l’on invoque un « non dirigisme destiné à laisser libre cour à la créativité des membres du mouvement ». Bref, on légifère lorsque çà arrange les constructeurs, quant aux demandes clients, laissez votre adresse, on vous écrira.
Bref, 11g est une réelle amélioration technique, mais elle cache –ou tente de masquer-, des hiatus que seul un changement radical de technologie peut résoudre. Pour une fois, les partenaires industriels qui adhèrent au projet Etsi Hiperlan peuvent saisir cette chance, ce retard imprévu il y a encore quelques mois.Vite, vite, avant que les américains ne se ressaisissent !
http://standards.ieee.org/announcements/80211gfinal.html
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