Le procès "Larsen" met le secret défense à l'épreuve

ZDNet (France) - Une nouvelle jurisprudence relative à la liberté d'information sur l'internet pourrait voir le jour au terme de l'affaire "Larsen". Trois ans après son arrestation, une mise en examen et deux mois de détention préventive, Vincent Plousey alias Larsen, 30 ans aujourd'hui, a enfin été entendu par un tribunal, en l'occurrence la treizième chambre correctionnelle du TGI de Paris, lors de l'audience du 26 mars dernier.

Celui qui se présente lui-même comme un "hacker radio", technicien autodidacte et expert dans tout ce qui touche aux radiofréquences, est poursuivi pour avoir diffusé sur le net (notamment sur le site www.madchat.org), à partir de 1998, des listes de fréquences radio, que les services de renseignements français considèrent comme classées «confidentiel défense». Certaines étaient en effet utilisées par la gendarmerie et la police nationale, selon l'ordonnance de renvoi du juge antiterroriste Gilbert Thiel, premier juge d'instruction au TGI de Paris.

«Aucune démonstration d'activité délictuelle», selon la défense

«Il n'existe, au dossier de l'accusation, aucune preuve de ce que les documents compilés par M. Plousey aient porté la moindre mention de classification [secret défense]», peut-on lire dans les conclusions de son avocat, Me Jean-Pierre Millet (barreau de Paris). Son client clame en effet avoir tiré ses informations d'ouvrages spécialisées vendus en librairie et d'un document du ministère de l'Intérieur sur lequel ne figurait aucune mention de confidentialité*.

Le ministère public n'ayant pas fourni la preuve du contraire, poursuit la plaidoirie, «il est clair que l'instruction n'apporte aucune démonstration d'activité délictuelle imputable à M. Plousey, en dépit d'investigations longues et diverses», a estimé la défense, qui demande une relaxe pure et simple de l'accusé.

Pour le ministère public, il serait coupable d'«atteinte au secret de la défense nationale» pour avoir porté «à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un tel renseignement, procédé, objet, document, donnée informatisée ou fichier» (article 413-12). Des faits prévus et réprimés à l'article 413-9 du code pénal, et passibles, dans le cas présent (personne non dépositaire officiellement des documents), de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

Le ministère public, lors de l'audience du 26 mars, a toutefois requis une peine plus lègère: un an de détention avec sursis.

"Larsen" a été arrêté par la DST et placé 2 mois à la Santé

Pour faire valider ses arguments, l'accusation a fait défiler à la barre une belle brochette de fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, dont le «chef du bureau de la sécurité et des opérations de défense» et le «chef du groupement de l'équipement et de l'exploitation radio-électrique», accompagnés de deux ingénieurs des transmissions.

Vincent Plousey a attendu près de trois ans avant que l'instruction n'arrive à son terme. Et il n'est pas prêt d'oublier son interpellation, en avril 2000, par une équipe de la direction de la surveillance du territoire (DST): une interpellation musclée, arme sur la tempe et devant sa famille. S'en suivra une garde à vue et un placement en détention provisoire, qu'il effectuera pendant deux mois à la prison de la Santé. Le jeune employé municipal se retrouve alors au milieu de malfrats d'un autre acabit, car considéré à l'époque comme

«J'ai été très naïf et immature. Mais je ne regrette pas d'avoir informé les autres sur le fonctionnement des réseaux, et montré combien il est facile, par recoupement, d'accéder aux informations», a déclaré Larsen dans un entretien accordé à nos confrères du journal en ligne Transfert.net. Il estime son affaire «banale», mais la punition déjà «trop forte». «Je pense avoir servi d'exemple», déplore-t-il.

Le tribunal devait donner sa décision le jour de l'audience, mais à la dernière minute le président a déclaré qu'il mettait l'affaire en délibéré au 11 juin prochain.

(*) Selon la nomenclature officielle française, «les informations ou supports protégés font l'objet d'une classification comprenant trois niveaux: très secret-défense; secret-défense; confidentiel-défense» (le premier étant le plus "sensible").
Source: «décret no 98-608 du 17 juillet 1998 relatif à la protection des secrets de la défense nationale».

 

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